« Pour nous, l'Europe, c'est une identité »

Publié le par René Caunes


PROPOS RECUEILLIS PAR ERWAN GUÉHO ET JOSÉ REI  : france.monde@nordeclair.fr (Publié le lundi 09 mars 2009)

 

François Bayrou: «Pour nous, l'Europe, ce n'est pas une occasion de faire campagne, c'est le seul moyen de résoudre des questions devant lesquelles nos États nationaux sont impuissants». Photo Archives/Nord éclair

François Bayrou était à Arras pour visiter le centre hospitalier avant de rencontrer les militants du MoDem à Lesquin. Il revient pour nous sur les enjeux des élections européennes de juin prochain.

 

Lors de la création du MoDem, vous disiez que les élections qui suivraient la présidentielle seraient l'occasion pour votre parti de s'affirmer.

Quels sont les objectifs que vous vous fixez pour les européennes ?

Nos objectifs : faire élire de bons députés européens, parler de l'Europe de manière compréhensible et chaleureuse, montrer qu'il existe en France un choix politique qui n'accepte pas les dérives du pouvoir actuel et qui n'oblige pas pour autant à en revenir au PS d'antan. Les querelles à propos des listes PS montrent combien est grand le besoin de ce courant politique démocrate. Je veux que dans cette campagne nous parlions des gens, de leur famille, de leur vie, de leur avenir, pas de nous-mêmes.

 

En quoi le MoDem est-il différent du PS ou de l'UMP sur l'Europe ? Y a-t-il des différences fondamentales ?

Nous sommes différents en ceci : pour nous, l'Europe, ce n'est pas une occasion de faire campagne, c'est le seul moyen de résoudre des questions devant lesquelles nos États nationaux sont impuissants. Et ce que je vous dis là, nous le disons depuis l'origine de notre famille politique, celle de Robert Schuman, fondateur de l'Europe. C'est une seule chaîne de militants qui ne s'est jamais interrompue et qui maille toute l'Europe. Nous ne sommes pas les seuls militants européens, bien sûr, mais nous n'avons jamais cessé de l'être, contre vents et marées. Pour nous, ce n'est pas une opinion, c'est une identité.

 

Pensez-vous que le non au Traité constitutionnel en 2005 soit enfin digéré ? Et la ratification du Traité de Lisbonne par voie parlementaire n'a-t-elle pas été une nouvelle occasion manquée entre l'Europe et les citoyens ?

Bien sûr, cela a été une occasion manquée. Doublement. D'abord, on avait annoncé « un traité simplifié » et on a écrit le texte le plus illisible possible, des centaines de pages qui modifient des centaines d'articles de traités antérieurs. Ce texte n'est pas fait pour être lu par des honnêtes gens, il est fait pour qu'on ne puisse pas le lire. Et ensuite, mettre les citoyens de côté, pour moi c'était une erreur. Mon engagement était pour un texte court, simple, compréhensible par tout le monde et soumis aux citoyens. C'était le meilleur moyen de lever les ambiguïtés. Cela dit, la crise oblige tout le monde à ouvrir les yeux sur l'urgence européenne.

 

Comment pensez-vous pouvoir donner envie aux citoyens de se mobiliser sur les questions européennes ?

En parlant français et non pas langue de bois. En leur disant quels sont les enjeux. Et en défendant cette idée simple : l'avenir de l'Europe, c'est que les Européens soient informés, associés aux décisions prises en leur nom. Nos listes, elles ne veulent pas seulement gérer l'Europe comme elle existe : elles veulent l'obliger à changer. Nous aimons cette grande aventure de nations qui s'unissent, mais nous ne considérons pas que l'aventure est achevée.

Nous sommes bâtisseurs, en même temps qu'amis de l'Europe.

 

Est-ce que le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan peut nuire, selon vous, à la construction d'une Europe de la défense ?

C'est exactement le contraire. Pour moi, une Europe de la défense, c'est une Europe indépendante, libre de construire ses forces comme elle l'entend. Nicolas Sarkozy nous oblige au contraire à accepter les décisions prises par l'Otan, depuis des décennies. Nous étions alliés, et alliés fidèles et responsables. Nous devenons alignés. Or l'indépendance de la France, c'était une garantie pour l'indépendance de l'Europe. C'est comme un alpiniste qui trouve un bon piton, bien solide, planté dans la paroi qu'il escalade. Une fois qu'il a accroché sa corde à ce piton, il peut faire quelques acrobaties, il est sûr de ne pas tomber. L'indépendance de la France, c'était ce piton, une garantie pour toute l'Europe. Y renoncer, c'est une double perte : perte pour nous, Français, qui abandonnons le symbole même de notre originalité parmi les nations d'Occident, et perte pour les Européens qui savent désormais que l'Europe n'est qu'une partie de l'ensemble dont les États-Unis sont le leader. J'ajoute une question : qui nous le demandait ? Tout le monde avait fini par accepter la liberté de parole et de penser de la France. Aujourd'hui, on nous conduit vers le renoncement à tout ce qui avait fait notre fierté et notre reconnaissance dans le monde par exemple au moment de la guerre en Irak. Et que ce soient les prétendus héritiers du gaullisme qui fassent prendre cette décision à notre pays, pour moi, historiquement, c'est une pitié.

 

Lors du débat sur l'Otan le 17 mars, voterez-vous la confiance au gouvernement Fillon ?

Sûrement pas. Je réprouve cette décision, aussi bien que la manière dont elle est prise, et je le manifesterai en votant contre.

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